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Photo du rédacteurfabienne vial

Notion de Sujet 2:

La notion de sujet: nous observons qu'il existe souvent une confusion entre la notion de Sujet et celle d'individu ,celle d'une personne dans le langage courant .Définissons ce que nous entendons par la notion de sujet:


1.1. Evolution historique de la notion :


L'intérêt de l'approche philosophique est de nous faire entrevoir cette notion comme une chose qui nait, qui se transforme ,évolue et qui peut éventuellement mourir - La philosophie s'intéresse donc à cette notion et tente de la définir en différents temps. Dans la pensée occidentale, on distingue trois temps :


À l'Antiquité:

Pour comprendre le devenir humain on se réfère à un ordre du monde. Dans cette référence là, il n'y a pas de  Sujet (acteur, responsable , conscient) dans la tragédie grecque, les personnages de la tragédie sont agis par quelque chose qui les dépassent complètement (par exemple des dieux.)


Les Temps modernes:

A partir du XVIIe siècle on va se référer non plus un ordre du monde mais à un ordre des choses. C'est la naissance du discours de la science qui est à la fois un rapport de connaissance et de croyance ( c'est scientifique donc c'est vrai) il y a du Sujet mais en tant que sujet de la connaissance. Le Sujet de Descartes nait de son affirmation : "Je pense donc je suis."

"Je " devient un point d'appui dont on ne peut pas douter et c 'est de me penser qui me confirme que j'existe, penser et être sont d'un même mouvement ,ce qui assure mon rapport au monde. Le sujet est ici maître de ses pensées et de ses idées et donc du monde tout entier.

Le sujet cartésien est autonome( auton = soi-même et nomos= loi) . Il se fonde lui-même chacun trouvant en lui la loi. Le prix de cette autonomie ,c'est que le sujet est seul, sans autres.

Pour introduire l'autre , Descartes fait appel à l'analogie: Quand j 'entends quelqu'un parler , je le reconnais comme autre, comme "alter" en ce qu'il me reproduit( alter ego) . Ces autres ne sont les autres qu'en tant que mes semblables, primat de l'identité sur l'altérité.


Ce Sujet cartésien est autonome, conscience souveraine en place centrale d'un monde plein. Le manque et le vide n'y ont pas de place.


Notre époque:

Le 19eme siècle va ré-interroger radicalement cette approche cartésienne .

A la fin du 19e siècle, l'hystérie est expliquée par la possession démoniaque des femmes avec pour traitement de les brûler il y a toujours de nouvelles hystériques.


Avec Charcot et la neurologie , on va expliquer l'hystérie de manière médicale: Agir sur les symptômes par des traitements. Puis Freud en stage chez Charcot va s'identifier non à Charcot mais aux hystériques et inventer la cure par le langage. Nous entrons dans l'ordre des mots( mots dits, mots tus) . Dans cette approche le Sujet de la connaissance et de la conscience est subvertit. La  découverte est radicale : Le langage,bien plus que la conscience, produit le Sujet. On passe de l'ordre des choses à l'ordre des mots.


Si pour Freud le Sujet est le résultat d'un processus de langage, pour Marx , le sujet est le résultat d'un processus social. Pour Marx ce n'est pas la conscience qui détermine l'être mais c'est l' être social dans ses rapports sociaux qui détermine la conscience. Ainsi d'une place souveraine le Sujet en tant que conscience va être destitué.


Nietzsche et Freud et  Marx ont en commun d'attaquer les philosophies du Sujet, considéré comme conscience souveraine.

Avec ces philosophie dites " du soupçon", le Sujet qui était un  principe devient un effet ... Alors que pour Descartes la vérité du Sujet reposait sur la conscience. (et un Dieu de perfection) ,.pour ces penseurs ,elle est au dehors de la conscience .


Ce n'est plus l'identité qui est avant l'altérité (d'abord Je et après Tu et Nous) mais c'est l'altérité qui est originaire de l'identité.


Conclusion : La notion de Sujet est prise entre deux approches très opposées:

-La première : le Sujet selon la conscience (Descartes) et

-Deuxièmement : le Sujet selon l'altérité ( Philosophes du soupçon) ,nous sommes aujourd'hui pris dans cette opposition.


1.2. La parole et le Sujet :

Pour les philosophes classiques le langage sert à établir un rapport entre le mot et la chose , il est considéré comme un instrument. L'homme de la conscience parle et il a sa portée, un outil qui est le langage, le langage atteste de ce qu'il pense et lui permet de communiquer.


Là encore la perspective du Sujet selon l'altérité va interroger cette approche.

Pour Saussure, le langage est un rapport entre le signifiant et le signifié. Le signifiant c'est la matérialité du nom , le signifié c'est le sens que l'on va mettre dessus. Ainsi le signifiant seul ne signifie pas, il faut un autre signifiant pour qu'un sens apparaissent ,c'est-à-dire son signifié (par ex dire banane et coiffure produit un sens qui n'a rien à voir avec si l'on dit banane et peau.)

Pour Lacan le Sujet est le produit de la prise du vivant dans le langage.Le Sujet est ,ce que représente un signifiant pour un autre signifiant . Ainsi le langage donne signifiance à mon être mais dans l'incomplétude, une part échappe, il y a un manque à être structurel. Ce manque a être n'est pas un déficit mais le lieu où va s'originer et le désir et la parole. Le sujet n'est plus stable comme chez Descartes mais il circule autant que circule la parole. L'humain est un etre parlant mais pas au sens où il serait un etre à qui on aurait offert de parler. Lacan le nomme le "parl-etre" pour montrer le nouage entre l'être et la parole. Ce qui constitue l'humain c'est la prise de l'être dans le langage. Et le manque qui  nait du fait que mon  être ne passera jamais totalement dans le signifiant ,est le moteur qui me fait parler. Le désir est différent du besoin en ce que le besoin vise l'objet. Le désir n'est jamais désir d'un objet mais désir d'un désir.


Pour qu'il y ait du sujet il faut qu'il y ait du vivant mais que ce vivant soit accueilli dans l'ordre du symbolique .Cela ne nie pas que le Sujet use de sa conscience mais la  conscience vient après que la parole ait constitué le petit d'homme. Ainsi l'ordre de la conscience n'est pas l'ordre symbolique. Prenons un exemple une personne sous tutelle un statut juridique qui ne le rend pas jugeable. Il n'est pas Sujet, il est objet, Sujet parlé. Mais ce Sujet sous tutelle et aussi Sujet parlant.


Le rôle du tuteur sera non seulement de gérer l'individu qui n'a plus de statut juridique mais aussi malgré ce statut juridique de prendre en compte qu'il est façonné par le langage et donc Sujet à part entière. Ce qui est de l'ordre de la conscience est du côté de la législation c'est-à-dire du juridique et ce qui est de l'ordre du symbolique et du côté de la Loi avec L majuscule (la loi symbolique).


1.3.La perte et le désir:


La dimension du Sujet c'est ce qui me permet de prendre la parole en mon nom,de dire "Je" mais dire "Je" n'implique pas nécessairement que l'on soit Sujet, il y a des paroles qui renvoient plutôt au discours de l'autre. Alors on dit qu'il est pris dans le discours de l'autre par exemple est repris dans le discours de ses parents. Nous avons tous une histoire dont nous sommes plus ou moins captif. D'abord en effet ce que nous n'avons pas choisi d'être (c'est le poids de l'hérédité, les facteurs qui nous déterminent comme le sexe ,le lieu, les circonstances, l'environnement, la culture).


En grandissant , en devenant adultes, nous travaillons à nous défaire de ces aliénations, à devenir Sujet de plus en plus. C'est un processus jamais abouti ,un travail à vie. On ne nait pas Sujet on le devient grâce à des processus d'individuation -séparation. Ainsi la notion de Sujet renvoie à la capacité de la personne à se défaire de ce qui la situe, sans qu'elle s'y soit par elle-même située. Il y a bien un processus de désaliénation.


La notion de Sujet renvoie aussi à celle d'adulte et en psychanalyse c'est une perte.( un plus qui se constitue d'un moins) . Loin du fonctionnement sauvage de la Horde où "le plus" est acquis par des rapports de force ( la loi du plus fort). Devenir adulte, Sujet , c'est accepter de perdre cette illusion de la toute-puissance infantile.


Seule cette perte et son acceptation permettent la rencontre et l'altérité. La pulsion est tamisée par le langage chez les humains contrairement aux animaux, il y a une perte du côté de la jouissance.


C'est grâce à la reconnaissance de cette perte, que le désir advient: Se savoir manquant permet de désirer, on n'est pas complet.


C'est la reconnaissance d'un impossible qui ouvre le champ des possibles, sinon on est face à l'impuissance rageuse et la violence symbolique.


1.4. L'institution et le symbolique:


Ce qui est premier dans l' advenue du Sujet c'est l'institution( famille, langue, établissement) Ainsi par-delà l'autonomie( trouver les lois en soi) et l'hétéronomie( ce qui s'impose à moi de l'extérieur) on voit apparaître un nouveau concept "l'altéronomie" . Ici la Loi ne vient pas d'un autre ( le petit autre avec un petit a, exemple un collègue) mais vient de ce qui s'impose à moi comme Loi, une Loi trace de l'altérité, une Loi qui vient de l'Autre du langage( grand autre avec un grand À) .


Ce qui est premier c'est l'ordre symbolique du langage qui est producteur d'institutions. Or souvent ce qui paraît premier, c'est moi, c'est mon interprétation avant l'institution, c'est ma propre façon de faire vivre les signifiants. Ce première axe, celui de l'imaginaire donne une consistance à l'être mais "Je" risque de s'y perdre( multitude de miroirs) .


Ce qui empêcherait l'émergence du sujet, ce serait d'être gelé dans l'imaginaire. Quand l'institution est  instituante il y a un travail de  dés-engluage de l'imaginaire vers le symbolique. Donc une institution autorisant à dire, à faire, favorise le fait de "" s'autoriser soi-même à"" ,tout ce travail pour que l'autre se positionne comme acteur et auteur.


Une institution est instituante dans la mesure où elle fait vivre la parole. Et la parole pour les sujets parlant n'est pas simplement l'oralisation (il y a aussi les comportements qui sont parlant, le corps, l'écrit, les gestes, les regards) . Finalement c'est la parole qui rend Sujet.


Croire en l'acte de parole, c'est-à-dire croire que le Sujet émerge par la parole, par des rencontres dans la parole, et au centre d'un projet institutionnel digne de ce nom. Il ne s'agit pas de croire tout ce qui est énoncé, mais plutôt de sentir ce qui est du côté de l'énonciation. Une rencontre s'effectue au-delà  de l énoncé. Il il y a rencontre lorsque le Sujet de l'énonciation nous fait exister comme Sujet: quelqu'un a pris position qui fait limite.

La rencontre suppose une adresse, une énonciation qui s'adresse pleinement à, provoquant un aspect transférentiel.

(Fabienne Vial, psychologue,Centre Bellevue/AFAH/Marseille/Pole Grand Handicap. Travail collectif sur le notion de Sujet).

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